Aujourd’hui, près d’un jeune adulte sur deux (46% selon l’INSEE) vit encore chez ses parents. Ce chiffre est malheureusement en constante augmentation depuis la fin des Trente Glorieuses. La dégradation de la situation économique du pays, le chômage de masse des jeunes (17% selon l’INSEE) et la saturation du marché du logement obligent bon nombre de jeunes à renoncer à trouver un habitat indépendant. Leur désir de quitter la sphère familiale s’éloigne comme leur capacité d’émancipation. Comment expliquer cette précarité des jeunes dans l’accès au logement? Existe t-il aujourd’hui des solutions offrant une lueur d’espoir à des jeunes qui se désespèrent de trouver un logement stable indépendant?
Une sempiternelle crise du logement…
Cet article s’amoncellera sans doute dans cette pile de papiers qui dénoncent cette sempiternelle crise du logement. Bon nombre de constats ont été dressés, très peu de solutions ont été trouvées. Le constat est pourtant très simple: l’offre de logement dans les grandes villes qui concentrent autant l’activité économique que l’activité universitaire s’appauvrit alors que le nombre de jeunes en attente de logement ne cesse de croître.
Le nombre de biens mis en location longue durée stagne voire diminue selon les villes devant l’attractivité des plateformes type “Airbnb”. La prolifération des “meublés de tourismes” permettent de dégager bien davantage de bénéfices que de louer un bien à un jeune sur l’année. Puis, le foncier constructible dans les grandes villes se raréfie d’autant plus que l’impératif écologique tend à transformer ces espaces constructibles en espaces verts. Les loyers explosent et donc pour certains la sentence est irrévocable: il faut quitter le centre.
Mais aujourd’hui, à part à Paris et sa proche banlieue, la périphérie des grandes villes n’est pas suffisamment bien équipée en transports en communs pour inciter les jeunes à renoncer à se loger en centre-ville. En s’éloignant des activités économiques et universitaires, ces jeunes doivent supporter une charge mentale supplémentaire à cause des temps de transport rallongés. Ainsi se creusent d’autant plus les inégalités entre ceux qui ont la chance de trouver un logement en centre ville, et ceux qui doivent aller habiter en banlieue. Ne nous leurrons pas, ceux qui renoncent à habiter en centre-ville appartiennent dans la majorité des cas aux catégories populaires.
Et ce phénomène risque de s’aggraver car l’insuffisance de l’offre de logement s’allie avec une hausse constante de la demande pour les jeunes, rendant la situation actuelle d’autant plus délétère. Rien que pour les étudiants, on enregistrait encore une hausse de 2.1% des effectifs dans le supérieur pour l’année scolaire 2018-2019, soit potentiellement 56 300 étudiants supplémentaires à accueillir.
… qui freine l’émancipation des jeunes
Le sociologue Olivier Galland explique que trouver un logement est un pas important vers l’émancipation de la sphère familiale mais il n’est plus aussi décisif qu’auparavant. La difficulté pour obtenir un habitat indépendant tend à retarder l’âge de l’émancipation vis-à-vis de ces parents si bien que le sociologue avance que la naissance du premier enfant marque désormais la rupture avec ses aînés. Ainsi la crise du logement que nous traversons a profondément bouleversé la trajectoire des jeunes.
Comme le montre un rapport de l’INSEE, le taux de cohabitation des personnes entre 18 et 29 ans avec les parents a augmenté d’environ 5% entre 1973 et 2013 ; de sorte qu’aujourd’hui, près d’un jeune sur deux (46%) vit encore chez ses parents. Il est loin le temps de mai 68 où les rêves d’émancipation se mariaient avec le foisonnement des débouchés. Le taux de chômage des jeunes n’a jamais été aussi élevé (17%), et près d’un quart des étudiants et des étudiantes (23% selon l’Observatoire de la vie étudiante) doit trouver un job à côté de leurs études pour subvenir à leurs besoin. Malheureusement, la crise du COVID risque d’aggraver cette situation et doucher d’autant plus les espoirs d’indépendance de la jeunesse.
Selon Olivier Galland, les capacités d’émancipation se restreignent d’autant plus si nous sommes au chômage. Un constat justifié par l’INSEE qui montre que plus le taux de chômage augmente depuis 1973, plus le taux de cohabitation avec les parents augmentent. L’économiste Jean-Baptiste Eymeoud dans son ouvrage Vers une société de mobilité met lui en lumière un cercle vicieux d’autant plus dramatique pour les jeunes actifs: la quête d’un emploi est de plus en plus corrélée à la proximité du lieu de travail. Ainsi, un marché du logement saturé empêche des jeunes de pourvoir des emplois dans les grandes villes car ils sont trop éloignés de leur lieu de travail. Or quitter la situation de chômage semble être nécessaire à la reconquête d’un logement indépendant alors qu’obtenir un logement proche du lieu de travail semble être nécessaire pour retrouver un emploi. C’est le serpent qui se mord la queue. Prenons un exemple concret de ce cercle vicieux: comme la demande de logement est très forte, les propriétaires sont très exigeants sur les dossiers des potentiels locataires. Ils choisissent les meilleurs dossiers en fonction de la situation des garants et la stabilité du jeune en question. Par conséquent, les jeunes actifs dont les contrats sont précaires ou au chômage sont souvent mis de côté et sont ainsi d’autant plus éloignés du coeur de l’activité économique.
Ne soyons pas abattus, des solutions existent !
Certes la situation actuelle s’enlise mais il faut garder espoir car des solutions existent; encore faut-il avoir le courage politique de mettre les mains dans le cambouis.
Évidemment il y a les bons vieux remèdes de grand-mère: accroître l’offre de logement en construisant de nouveaux logements et surtout des logements sociaux pour favoriser l’intégration de certaines populations de jeunes plus précaires. Sauf qu’aujourd’hui dans les grandes villes, le foncier disponible pour de tels travaux devient une denrée rare et quand elle est trouvée, son usage doit désormais être partagé avec la création de nouveaux espaces verts. L’une des manières de contourner ce problème, c’est la transformation de bureaux en logements: ainsi à Paris par exemple, depuis 2001 environ 500 logements sont créés chaque année à partir d’anciens bureaux. Mais encore faut-il que ces logements soient occupés. A Paris, on compte 17% de logements vacants et c’est une tendance à la hausse. Afin de commencer à résoudre ce problème il existe deux solutions: légaliser le droit de préemption de la mairie sur les logements vacants de plus de 2 ans dans les zones sous-tension, qui seraient transformés en logements sociaux ou en logements d’accès à la propriété; limiter le nombre de nuités par propriétaire sur les plateformes type “Airbnb” et ne permettre de mettre sur la plateforme que les résidences principales pour libérer les résidences secondaires et inciter à louer sur la longue durée afin de réintroduire plus de logements sur le marché locatif.
Enfin, accroître l’offre de logement n’est pertinente que si dans un même temps, une politique de régulation des loyers est menée. Des loyers abordables en grandes villes rendent accessible le logement en grande ville pour les jeunes. La mise en place de l’encadrement des loyers dans certaines villes permis grâce à la loi ELAN marque une rupture dans l’histoire française de la régulation des loyers. Alors que la détermination des loyers s’était définitivement libéralisé dans les années 70, l’apparition de nouvelles réglementations offre un avenir prometteur à la régulation des loyers. Mais aujourd’hui, l’encadrement des loyers n’est encore qu’à ses balbutiements. Preuve en, à Paris il n’est pas respecté par près d’un bailleur sur deux selon l’association de défense des consommateurs et d’usagers CLCV (Consommation logement et cadre de vie). Mais il est très difficile dans les temps de restriction budgétaire que nous connaissons de mettre en place une police administrative des loyers suffisamment importante pour trouver et punir les propriétaires fautifs. D’autant plus qu’il est difficile de surveiller tous les loyers en raison de l’opacité de certains baux par exemple. C’est pourquoi il faut être innovant dans la manière de faire respecter l’encadrement des loyers. Si une police administrative des loyers doit être créée, elle doit également être accompagnée d’un signalement automatique de tout bail dont le loyer ne respecterait pas le loyer de référence. Aujourd’hui, une institution est capable de récolter toutes les nécessaires et de déterminer si le propriétaire respecte l’encadrement des loyers: c’est la CAF grâce aux aides au logement. Lors de la demande d’aide au logement, il faut mettre en place un contrôle automatique de la conformité du loyer. Si celui-ci n’est pas conforme, alors la CAF le signalerait directement à la police administrative des loyers qui s’occuperait du reste des procédures avec le propriétaire.
Donc tout n’est pas perdu pour lutter contre cette sempiternelle crise du logement. De nombreuses politiques ont été menées, peu ont été efficaces. C’est pourquoi aujourd’hui il faut être innovant en pensant les politiques du logement tout en activant les leviers traditionnels. Rien ne sera parfait bien entendu, mais ces propositions forment un premier pas pour endiguer une crise du logement qui ne cessent de s’empirer.
Par Léo Henriot
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